HISTORIQUE DE L'ÉGLISE
(article de Mme Anne André, architecte à
Villers Marmery)
- L'église fut
dédiée à Saint-Remi puis à
Notre-Dame au cours des siècles. Sa date de
construction précise est inconnue. Des restaurations
successives lui ont fait perdre son caractère
primitif, car on trouve des témoins de plusieurs
époques. Cet édifice a donc été
construit en plusieurs fois. En recoupant les observations
sur le bâtiment même et les données
historiques, on peut tenter une reconstitution chronologique
des faits supposés.
- Le type le plus fréquent en
Champagne est l'église dont le gros-oeuvre de style
roman date du XIIème siècle, avec une
charpente apparente et terminée par un chevet plat.
Le plus souvent, ce type d'église est remanié
à une époque postérieure, agrandie et
alors pourvue d'un choeur, parfois d'un transept. Il se
pourrait que l'église de Villers-Marmery soit de
cette veine. Il est probable - en tout cas - qu'une chapelle
de facture romane soit construite ici dès le
IXème siècle, ou tout au moins avant le
début du XIIème siècle, conforme au
style des sanctuaires ruraux régionaux de cette
époque. Pour preuve ? Une fenêtre
"typique" est encore visible dans la partie
supérieure du mur droit de la nef (cachée
actuellement par le plafond qui "passe" devant). A cet
endroit de l'édifice, la maçonnerie et
l'appareillage de pierres de type ancien présents
sous le plâtre neuf laissent penser qu'il s'agit
là de la partie la plus ancienne. Pour preuve encore
? L'appartenance de "l'autel de Marmery et de la presque
totalité du territoire de Villers-Marmery", à
l'Abbaye de Saint-Basle, est connue dans les textes
dés l'an 941 (Xème siècle). Un
prêtre officiait forcément dans un
bâtiment affecté à cette tâche :
l'église était donc là ; comme partout
elle était en bois et paille avant de brûler -
on peut le supposer -, et fut remplacée par une
construction plus solide, tel qu'on l'a décrite
ci-dessus.
- Avant la Guerre de Cent Ans (milieu
XIVème siècle), il est difficile de
connaître l'état de la population, et du
village en général. On sait que des incendies
ont ravagé le village... mais nous n'avons aucune
information sur l'église à cette
époque...
- Les registres obligatoires, tenus par
les prêtres dès 1579 (XVIème), laissent
penser qu' il y a eu des mutations de population au milieu
du XVIIème siècle. En effet, à cette
époque, le déclin de Marmery au profit de
Villers était déjà amorcé.
Villers-Marmery constitué, il est tout à fait
concevable de penser qu'une église plus spacieuse que
la première fut nécessaire pour accueillir les
nouveaux fidèles. Ainsi, on peut supposer que la
chapelle d'origine connut, là, des transformations
importantes : allongement de la nef, ajout des deux
transepts, création du chevet en abside (?) .
L'édifice acquiert, alors, sa forme actuelle (au
moins dans sa globalité, ce n'est pas dans ses
détails !). Pour preuve ? On signale une inhumation
dans "la grande chapelle" en 1680, et la dédicace de
deux nouveaux autels dans les transepts, en 1684 : l'un est
dédié à St Sebastien, l'autre à
Ste Barbe.
Une énigme reste pourtant à
résoudre : quand, les bas-côtés ont-ils
été édifiés ? Plusieurs
hypothèses :
- soit en même temps que la
première chapelle, ils ont été
réhaussés ultérieurement et
allongés jusqu'aux transepts lors de la constuction
de ceux-ci ;- soit bien après la
construction de la chapelle, ajoutés
entièrement lors de l'agrandissement
général de l'église, (voir description
ci-dessus). Cette deuxième hypothèse semble
hasardeuse. Pourquoi ? Parce qu'il est difficile d'imaginer
la première chapelle fermée par des murs
pleins (comme aux Petites Loges), alors que la
maçonnerie des arcs témoigne de son origine !
Si les arcs étaient là, la chapelle
n'était pas ouverte aux quatre vents ! Les
bas-côtés étaient donc construits
partiellement au XIIème siècle. La
première hypothèse est la bonne.
Ainsi, la petite chapelle primitive
connut, entre la fin du XIIème siècle et le
XVIIème siècle, ses transformations
principales. Les retouches de gros-oeuvre et la
décoration ne sont évoquées, dans les
archives, que bien plus tard.
Au XVIIIème siècle, en
retard par rapport aux édifices déjà
touchés dans les grandes villes, le style classique,
puis légèrement baroque, apparaît dans
les bâtiments importants des campagnes :
l'église de Villers-Marmery perd, alors, son
caractère rural et rude. On peut supposer qu'à
cette époque, la charpente et le solivage en bois
apparent teinté (traces repérées lors
des travaux de réfection du plafond effectués
en 1995 par l'entreprise Hautem) furent cachés par un
plafond en plâtre, sur la totalité de
l'édifice. Plusieurs campagnes de travaux sont
mentionnées dans les archives de la seconde
moitié du XVIIIème siècle :
- 1754 : "...quelques
réparations..."
- 1759 : " programmation de travaux
importants..."
- 1760 : " réparation du clocher
"
- 1770 : "établissement d'un
devis..."(?)
- 1773 : "travaux..."(?)
- 1777 : "don des 5 Grisailles, par le
couple GARGAM dont deux en mémoire de leur fille,
Anne, décédée à l'âge de
11 ans le 6/8/1777. (Généalogie : Anne, fille
de Philippe Louis Gargam né en 1731 à
Châlons-sur-Marne, marié en 1761 à Marie
Anne Jeanne Blondeau née à Reims)
REMARQUE: la forme des fenêtres
recevant les vitraux est définitive.
- 1789 : "...reconstruction totale du
choeur..."
- 1790 : "...travaux sur le
clocher..."
REMARQUE: à l'occasion de la
reconstruction du choeur, y a t-il eu des modifications
?
Les deux dernières dates
évoquent forcément une période
agitée pour la France, mais aussi pour
VILLERS-MARMERY...
Réponse aux questions
posées sur les"hypothèses émises pour
tenter de cerner l'époque de construction des
bas-côtés" évoquée ci-dessus : la
deuxième hypothèse semblait "hasardeuse", mais
pourquoi était-elle énoncée? Parce que
les arcs de la nef primitive auraient pu être
construits et bouchés avec une maçonnerie de
remplissage afin de ne pas laisser la chapelle ouverte aux
quatre vents. C'était une technique employée
autrefois lorsque l'on prévoyait des
extensions.
Reprenons le cours de notre historique...
Nous sommes à l'époque de la Révolution
: le 6 Octobre 1789, l'Assemblée
Nationale décide la vente des Biens Nationaux, elle
s'empare des églises. Les mesures
anticléricales suivent. Ainsi, le 4 Février
1794, le Conseil Municipal de Villers fait descendre deux
des trois cloches et leurs accessoires par trois
charpentiers et un maréchal du village. La
troisième cloche échappe à la fonte
pour sonner les heures. La même année,
l'inventaire des articles religieux est
rédigé. Les grilles, les statues et divers
objets sont mis sous scellés à la sacristie.
Le linge blanc est donné aux hopitaux militaires.
L'église devient le "Temple de la Raison".
En 1801, le culte catholique est
rétabli en France. M. Le Cacheur, ancien Curé,
devenu entre-temps "Citoyen", est à nouveau
affecté au service religieux en 1804. Le Conseil
Municipal fait l'état des lieux et constate que
l'église est dans le meilleur état
possible. Depuis cette époque
mouvementée, l'église connait une nouvelle
vague de réparations au XIXème siècle :
- "installation de trois nouvelles
cloches et réparation du beffroi en 1826". (le mot
"beffroi" semble signifier en réalité
"clocher") ; "réparations sur le clocher en
1834". (encore ?!) ; "restauration du plafond en 1845"
- "couverture en 1869". Ce sont
probablement des travaux d'entretien.
À la fin du XIXème siècle,
précisément en 1894, de nombreuses
modifications ou améliorations sont apportées
à l'édifice. Voici la liste des travaux :
- confortement du mur de clôture
de l'ancien cimetière ;
- réparation du clocher.
(encore?) ;
- remplissage du haut des murs de la
nef, en briques de terre cuite fabriquées en usine
;
- habillage avec les mêmes
briques, plâtrées, de deux des quatre
colonnes d'ordre toscan portant le clocher. En se mettant
"à la mode", la croisée des transepts perd
son style et devient ambiguë ;
- réfection des plafonds en
plâtre des bas-côtés ;
- modification des ouvertures. Toujours
pour suivre la mode, par une reprise de maçonnerie
encore visible aujourd'hui, les cintres d'origine sont
remplacés par des arcs surbaissés ;
- installation de l'horloge à sa
place actuelle ;
- c'est aussi à cette date que
de nombreux vitraux sont donnés et
installés dans les fenêtres
fraîchement refaites : St. Antoine et Ste. Jeanne
de Chantal, au fond de la nef, don de Monsieur Louis
Fossier, architecte à la Cathédrale de
Reims ; St. André et St. Jean, derrière
l'orgue, don de la famille Vannelet ; St. Louis et St.
Pierre, à gauche, don de Madame Julie Legras Vve.
Lagarde ; Ste. Félicie et Ste. Cécile,
à droite, don anonyme ; St. Rémy Baptisant
Clovis et La Vierge, tous deux non datés,
installés dans le choeur ;
- modification des abats-son du clocher
: certaines ouvertures carrées reçoivent un
arc.
Y-aurait-il un mécène, un
généreux donateur anonyme ? Pourquoi tant de
travaux don le but est parfois de suivre la mode ? Les
archives pouraient peut-être nous renseigner
?
Voilà 100 ans que l'église
a fait "peau neuve". Au cours du XXème siècle,
le temps passe et fait son oeuvre. Les orages attaquent le
clocher, il faut encore refaire sa couverture, voire sa
charpente.
La couverture de la totalité du
batiment est refaite en 1992 et 1993. En 1995, les plafonds,
devant subir des "rustines", sont finalement refaits
complètement avant les peintures effectuées la
même année par une équipe
d'étudiants "section peinture" hollandais. Et "tant
qu'on y est", la porte du bas-côté en mauvais
état est changée.
L'histoire de cet édifice ne
s'arrête pas là. Le patrimoine d'un village est
vivant, il appartient aux générations futures.
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LA RESTAURATION DE L'ÉGLISE
PAR UNE ÉQUIPE HOLLANDAISE
Du 2 au 11 juillet 1995, 24
étudiants accompagnés de six professeurs sont
venus des Pays-Bas pour restaurer l'église de
Villers-Marmery sous la responsabilité de M. Martin
Delissen, enseignant à l'école des Beaux-Arts
de Boxtel (près de Eindhoven).
En 1988, les six professeurs avaient
déjà participé à une
opération analogue aux Petites Loges (village voisin)
avec l'aide d'amis.
Ils ont ensuite rénové les
églises des communes proches de Billy-le-Grand,
Trépail, Sillery et Ludes, aidés
également par des amis, avant de venir dans notre
village avec un groupe d'étudiants fraîchement
diplômés.
Si l'équipe continue son travail
de restauration d'édifices religieux, elle envisage
de le faire soit en Normandie, soit en Turquie.
Le travail effectué par les
étudiants est en rapport direct avec ce qu'ils ont
appris en cours dans des domaines comme la couleur ou encore
l'histoire de l'Art religieux.
Au départ, un concours entre les
élèves a permis de choisir les couleurs
à utiliser. À partir de photos en noir et
blanc, chacun a élaboré un "plan de couleurs".
Les professeurs ont ensuite sélectionné 4
propositions qu'ils ont soumises au Maire, à
l'Abbé et à quelques autres personnes
impliquées dans le projet afin de faire le choix
définitif.
Pour suivre ce stage, chaque
étudiant a dû payer 300F (frais d'essence, de
boissons,...). Les matériaux ont été
offerts en partie par
deux entreprises hollandaises. C'est
l'école des Beaux-Arts qui a pris en charge
l'assurance des étudiants. Le coût final pour
la commune de Villers-Marmery s'est élevé
à près de 10.000F, soit environ 1.500 Euros.
Martin Delissen et son équipe ont
été hébergés par les habitants
de la commune pendant la durée des travaux. Tous ont
gardé un excellent souvenir de leur passage à
Villers-Marmery.
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